La première forteresse à se dresser sur ce site de la ville normande de Falaise a été construite au Xe siècle par un chef viking dont les descendants sont devenus les Normands francisés. Selon une légende populaire, c’est un siècle plus tard, en l’an 1027, qu’une jeune fille nommée Herleva fit un cauchemar terrifiant et prophétique dont elle se réveilla en hurlant.
Herleva avait quelques semaines auparavant été séduite par Robert le duc de Normandie et était enceinte de son premier enfant. Dans son rêve fiévreux, un arbre gigantesque a jailli de son ventre. Ses racines noueuses jaillissent de son cadavre et se répandent en Normandie comme les tentacules d’un des monstres Kraken du mythe nordique. Le tronc de l’arbre s’élevait dans le ciel tandis que ses branches colossales s’étendaient de l’autre côté du canal, projetant une ombre inquiétante sur l’Angleterre comme les griffes d’une bête vorace s’apprêtant à bondir sur le pays.
Quelques mois plus tard, Herleva donnera naissance à un fils qu’elle nommera William. L’enfant sera appelé « William le bâtard » pendant une grande partie de sa jeunesse, tant en raison des circonstances de sa naissance que de son tempérament. Mais malgré ces origines humbles et stigmatisées, Guillaume va un jour conquérir les Anglo-Saxons et devenir le roi d’Angleterre. Il fondera une dynastie qui durera plusieurs siècles et transformera l’histoire politique, économique, militaire, sociale et linguistique de l’Europe occidentale.
Dans le sillage de la conquête de l’Angleterre, les Normands n’ont jamais vraiment oublié leurs origines dans cette région de France. En 1123, le fils de Guillaume, le roi Henri Ier d’Angleterre, revient en Normandie et entreprend de reconstruire le château où son père était né. La forteresse a été renforcée dans ses capacités défensives et des tours et des donjons ont été ajoutés, ce qui a donné l’impressionnant édifice que l’on peut voir aujourd’hui.
Mais les descendants du conquérant étaient un groupe férocement argumenté et assoiffé de sang. Pendant des siècles, les parents royaux se sont battus sauvagement pour des disputes et le pouvoir des deux côtés de la Manche. Le château fut le théâtre de combats, de tortures, d’intrigues et de meurtres ; c’est à Falaise que le roi Jean d’Angleterre fit emprisonner et assassiner son neveu Arthur le duc de Bretagne pour le double crime d’avoir comploté pour le renverser et d’avoir assiégé le château de la mère de Jean, Aliénor d’Aquitaine.
Plus tard dans son histoire, le château a été témoin d’innombrables batailles entre les armées de France et d’Angleterre tout au long de la guerre de Cent Ans, un cycle de violence apparemment sans fin se produisant ici. Il a été la toile de fond d’un grand nombre de sièges pendant cette période et les deux armées ont occupé le château à différents moments de la guerre. On peut en voir la preuve dans une grande partie des graffitis gravés sur les bâtiments par des soldats français ou anglais qui s’ennuyaient.
Après l’âge médiéval, lorsque les châteaux et les chevaliers ont été remplacés par des formes de guerre plus avancées technologiquement, le château a perdu son importance et a été abandonné. Il est resté à l’abandon pendant plusieurs siècles jusqu’à ce qu’il soit reconnu comme monument historique dans les années 1800 et fasse l’objet d’une restauration. De féroces bombardements pendant la Seconde Guerre mondiale ont par la suite détruit ou endommagé une grande partie de la structure, mais la majeure partie du château est restée intacte et constitue aujourd’hui un musée ouvert aux visiteurs.