Contexte : Le traitement du cancer de la prostate métastatique résistant à la castration (CRPC) reste dépendant de la signalisation médiée par les récepteurs aux androgènes (AR), ainsi la compréhension de tous les composants impliqués dans la signalisation de la testostérone chez ces hommes est de la plus haute importance. Des études récentes ont identifié la 11-cétotestostérone (11 KT) comme un puissant agoniste du récepteur des androgènes (RA) présent chez l’homme. Cependant, on ignore si la 11 KT est présente à des concentrations physiologiquement pertinentes chez les patients atteints de CRPC. Dans cette étude, nous avons examiné les métabolomes des hormones stéroïdiennes des patients CRPC au départ, pendant le traitement avec des thérapies de deuxième ligne et après la progression clinique.
Méthode : Nous avons sélectionné des échantillons de plasma de 29 patients CRPC commençant un traitement par antiandrogènes (n = 10) docétaxel + prednisone (n = 10) ou cabazitaxel + prednisone (n = 14). Cinq patients ont suivi deux traitements. Les stéroïdes ont été extraits du plasma par une méthode d’extraction liquide-liquide, suivie d’une chromatographie en phase liquide avec spectrométrie de masse en tandem (LC-MS/MS) visant 16 hormones stéroïdes ainsi que la prednisone, la prednisolone et la dexaméthasone. Un séquençage de nouvelle génération et un RNAseq ont été réalisés sur les échantillons de biopsie tumorale de ces patients obtenus au départ (n = 20).
Résultats : 11 Le KT était l’androgène le plus abondant chez les patients CRPC au départ, avec une concentration médiane de 0,33 nM (0,03-2,39 nM) qui constituait 65,5 % (43-79,1 %) du pool total d’androgènes (TA). La testostérone (0,13 nM ; 0,03-0,64 nM) constituait 23,8 % (IQR 15,0-32,3 %) du pool d’AT. Le traitement par glucocorticoïdes a réduit la 11 KT circulante de 83,6 % (IQR : 38,6-89,3 %) et la testostérone de 67,9 % (IQR : 38,3-79,3 %) ainsi que les stéroïdes précurseurs des androgènes 11-oxygénés de >80 %. Une expression génétique différentielle a été observée entre les échantillons de biopsies tumorales de patients présentant des concentrations élevées (>médianes) et faibles (<médianes) d’AT. Des concentrations élevées d’AT au départ étaient associées à une survie sans progression plus longue (P < 0,05).
Conclusions : Cette étude a permis d’identifier la 11-cétotestostérone, un puissant agoniste de l’AR, comme le principal androgène circulant chez les patients atteints de CRPC et son abondance est en corrélation avec l’expression génétique dans le tissu tumoral. Ainsi, l’abondance des androgènes dans le CRPC a été jusqu’à présent sous-estimée et la quantification de routine de la testostérone seule peut ne pas refléter avec précision l’abondance de l’AT chez les patients. La suppression de 11 KT et de la testostérone a été obtenue par le traitement aux glucocorticoïdes, ce qui peut expliquer les effets bénéfiques de ce traitement chez les patients atteints de CRPC.