Soie de mer : le textile le plus exclusif au monde est mis aux enchères cette semaine

Ce mercredi, un curieux objet sera mis aux enchères au Landmark on the Park dans l’Upper West Side.

A première vue, le lot 200, un chapeau de style turban à la teinte dorée foncée, n’a rien de remarquable. En regardant de près, ses fils semblent similaires à ceux de cheveux humains ou de chevaux, mais il est en fait tissé d’une fibre de soie inconnue de la plupart des New-Yorkais.

En effet, les objets fabriqués dans cette matière sont rarement mis aux enchères – il n’existe qu’une soixantaine de pièces connues et la dernière vente publique pourrait remonter à 1767. Comme l’admet volontiers le commissaire-priseur, Bob Ross, l’estimation du chapeau (5 000 à 8 000 dollars) n’est guère plus qu’une supposition hasardeuse. « Je n’ai aucune idée du prix de vente », dit-il. « Nous verrons si le marché est bien informé. »

On pourrait pardonner au marché d’être mal informé. Lorsque nous pensons à la soie, nous évoquons souvent des images d’insectes, comme les vers à soie, ou d’araignées. Mais ce chapeau particulier a une origine totalement différente. Ses fils ont été fabriqués par un mollusque méditerranéen, la coquille de stylo noble Pinna nobilis.

Pouvant mesurer jusqu’à un mètre de haut, ces grands bivalves s’enracinent au fond de la mer en émettant des centaines de fibres, appelées byssus (pensez aux fils griffus que vous pourriez trouver sur une moule commune). Une fois extrait de la coquille, nettoyé et filé, il possède une belle couleur châtain foncé, un jour comparé à « l’or bruni de certaines mouches et coléoptères ».

Horatio Nelson prévoyait d'envoyer à Lady Hamilton des gants en byssus.
Horatio Nelson prévoyait d’envoyer à Lady Hamilton des gants en byssus. Photographie : Time Life Pictures/Getty Images

Historiquement, les articles fabriqués en byssus nettoyé, proprement appelé soie de mer, ont été très prisés. Selon l’historien Procopius du sixième siècle, l’empereur byzantin Justinien Ier a fait don d’un manteau en soie de mer à cinq satrapes arméniens. Depuis lors, la fascination pour cette fibre marine n’a pas faibli, atteignant son apogée à l’époque moderne. L’amiral britannique Horatio Nelson a écrit qu’il avait l’intention d’envoyer à sa maîtresse, Emma Hamilton, une paire de gants en byssus. Jules Verne a choisi d’habiller son narrateur dans Vingt mille lieues sous les mers, le docteur Pierre Aronnax, de « bottes de mer, d’un bonnet en peau de loutre, d’un grand manteau de byssus doublé de peau de phoque ».

Cet enthousiasme n’a pas duré au 20e siècle, le matériau peinant à trouver sa place dans notre monde de matières synthétiques. Les fascistes italiens ont brièvement flirté avec lui, imaginant qu’il pourrait être utilisé comme camouflage, couverture pour les avions et même masques à gaz. De telles visions se sont avérées illusoires et à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le tissage était confiné à une poignée de femmes en Italie.

Inspectez le lot 200 et il n’est pas difficile de comprendre pourquoi nous ne portons pas de soie de mer aujourd’hui. Le chapeau pèse à peine 83 grammes, mais, selon Felicitas Maeder, spécialiste du musée d’histoire naturelle de Bâle, il pourrait être constitué du byssus de 80 mollusques. Chacun de ces coquillages géants devait être remonté du fond de la mer avant que son byssus puisse être coupé, nettoyé, tissé et filé. L’opération exigeait énormément de temps et de travail. Elle était également très destructrice pour les écosystèmes marins (heureusement, le Pinna nobilis est désormais protégé par la législation européenne ; il est illégal de récolter le byssus en Méditerranée).

On pourrait être tenté de se réjouir du déclin du byssus, cette fibre qui nécessitait la destruction de tant de mollusques géants pour fabriquer un seul chapeau. Mais aujourd’hui, nous ne connaissons que trop bien le coût des matériaux synthétiques qui nous entourent désormais. D’innombrables mammifères marins et oiseaux de mer meurent chaque année après avoir ingéré du plastique ; le déversement de pétrole, dont une grande partie de nos vêtements sont finalement dérivés, peut également causer de grands dommages aux bivalves. Face à ces accusations, la récolte à petite échelle de la soie de mer commence à sembler bénigne. Il se peut que le coût écologique du lot en vente soit inférieur à celui de nombreux objets en plastique qui nous entourent à la maison.

Non pas que la soie de mer fasse un retour en force. Récemment, des scientifiques ont mis en garde contre des foyers de mortalité massive sans précédent du Pinna nobilis qui menacent la survie de l’espèce. De la côte espagnole à Chypre, des plongeurs ont découvert des champs fantomatiques de coquilles vides. Des études récentes ont attribué ces décès à l’apparition d’un parasite et de mycobactéries. Les biologistes inquiets tentent de protéger l’espèce en déplaçant les individus sains dans des bassins ou en récoltant leurs larves qui peuvent ensuite être cultivées dans des aquariums.

Le sort de ces bivalves n’est pas exceptionnel. Ces dernières années, les coraux, les oursins et les mollusques ont tous été frappés par des épidémies de maladies ou de mortalité qui seraient souvent liées à l’augmentation de la température de l’eau.

C’est une disparition qui peut facilement passer inaperçue dans l’agitation de la vie urbaine et qui, sans doute, sera ignorée lorsque les enchères commenceront pour la vente de mercredi. Pourtant, peut-être que l’arrivée soudaine de cette fibre dans la ville devrait générer plus que de l’étonnement, mais servir de rappel silencieux de la perte incalculable qui a lieu dans nos océans et de sa relation avec le désir humain.

– Edward Posnett est l’auteur de Strange Harvests : The Hidden Histories of Seven Natural Objects (Viking)

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