Les premiers Bourbons, 1700-53

La guerre de succession d’Espagne

En 1700 (par la volonté de Charles II sans enfant) le duc d’Anjou, petit-fils de Louis XIV de France, devient Philippe V d’Espagne. L’Autriche refuse de reconnaître Philippe, un Bourbon, et de concéder ainsi la défaite de ses espoirs de placer un candidat autrichien sur le trône d’Espagne. Pour l’Angleterre, un roi Bourbon en Espagne perturberait l’équilibre des forces en Europe en faveur de l’hégémonie française. Louis XIV conçoit l’Espagne sous un roi Bourbon comme un appendice politique et commercial de la France à gouverner par correspondance depuis Versailles. Il souhaitait régénérer et renforcer son allié par une administration centralisée moderne, une tâche à la fois compliquée et facilitée par la guerre de Succession d’Espagne (1701-14), au cours de laquelle les armées alliées de la Grande-Bretagne et de l’Autriche ont envahi l’Espagne afin de chasser Philippe V et d’établir sur le trône le candidat « autrichien », l’archiduc Charles (futur empereur du Saint Empire romain germanique Charles VI).

Une administration efficace devait être créée afin d’extraire les ressources de l’Espagne pour l’effort de guerre et ainsi soulager la pression sur le trésor français ; dans le même temps, les pénuries financières mettaient en péril la réforme administrative, tandis que la fiscalité et les prélèvements de guerre poussaient la Catalogne et l’Aragon à se révolter contre les exigences de la dynastie des Bourbons. Les instruments de la réforme centralisatrice sont les fonctionnaires français Jean-Jacques Amelot, ambassadeur de Louis XIV, et Jean-Henri-Louis Orry, expert financier, et une poignée d’avocats-administrateurs espagnols tels que Melchor de Macanaz. Ils sont soutenus par la reine, María Luisa de Savoie, et son amie Marie-Anne de la Trémoille, princesse des Ursins, âgée de 60 ans.

Les opposants à la réforme étaient ceux qui en souffraient : les grands qui avaient dominé les conseils encombrants et inefficaces ; les conseils eux-mêmes ; les régions telles que la Catalogne, l’Aragon et Valence, dans lesquelles l’établissement d’un pouvoir royal effectif était perçu comme une imposition centralisatrice castillane en conflit avec les privilèges locaux, ou fueros ; et l’Église, dont la position était menacée par le régalisme féroce et doctrinaire de Macanaz, qui souhaitait soumettre les juridictions indépendantes de l’Église (en particulier des nonces pontificaux et de l’Inquisition) au monarque absolu. La désaffection de tous ces éléments se transforme facilement en opposition à Philippe V en tant que roi. L’opposition à la nouvelle dynastie accentua la détermination des fonctionnaires bourbons à mettre fin aux privilèges spéciaux qui pouvaient servir de couverture à une sympathie traître envers les envahisseurs autrichiens et anglais.

Malgré de graves difficultés financières (dues à la perte des revenus des Indes), la Castille resta férocement fidèle à la nouvelle dynastie tout au long de la guerre. Le soutien de la Castille et de la France (jusqu’en 1711) permet à Philippe V de survivre à de sévères défaites et à deux occupations de Madrid. En 1705, l’archiduc Charles débarque en Catalogne et prend Barcelone. Lorsque Philippe V tente d’attaquer la Catalogne par l’Aragon, les Aragonais, au nom de leurs fueros, se révoltent contre le passage des troupes castillanes. Cette révolte, soutenue par la noblesse locale, tourne les conseillers du roi résolument contre les privilèges locaux et la trahison aristocratique. Après la victoire sur l’archiduc Charles à Almansa (avril 1707), les fueros des royaumes de Valence et d’Aragon sont abolis et les biens des rebelles confisqués. Lorsque l’archevêque de Valence résista aux tentatives de faire comparaître devant les tribunaux civils les prêtres à la loyauté douteuse, le régalisme de Macanaz reçut son plein cours.

Ce fut le dernier triomphe direct des réformateurs. Avec la mort de la reine María Luisa en 1714 et l’arrivée de la nouvelle épouse de Philippe, Isabella Farnese, le soutien de la cour aux réformes radicales disparaît. Macanaz est condamné par l’Inquisition, et une administration moins rigide, plus encline au compromis avec l’église et la haute noblesse, contrôle la politique du pays.

Les dernières étapes de la guerre préoccupent l’Espagne. Les alliés ont déserté l’archiduc Charles ; les Français ont peu aidé Philippe V. En 1714, Philippe a repris la capitale de l’archiduc, Barcelone. Par le décret de Nueva Planta (1716), les fueros sont abolis et la Catalogne est intégrée à l’Espagne. L’intégration, largement critiquée par les générations suivantes de Catalans comme la destruction de la « nationalité » catalane, était néanmoins une condition préalable à la renaissance industrielle ; elle donnait à la Catalogne un marché intérieur en Espagne et plus tard un marché extérieur en Amérique. Paradoxalement, une guerre désastreuse avait pour la première fois créé un État espagnol unitaire : à l’exception des provinces basques et de la Navarre, l’Espagne était sous administration royale directe.

La défaite de l’Espagne à la guerre lui fit perdre nombre de ses possessions en dehors de l’Ibérie. Les traités de Maastricht et d’Utrecht (1713) la dépouillent de ses possessions européennes (Belgique, Luxembourg, Milan, Sardaigne, Sicile et Naples) et donnent à la Grande-Bretagne Gibraltar et Minorque et le droit d’envoyer un navire par an pour commercer avec l’Amérique espagnole.

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