Un tribunal espagnol soutient les expulsions rapides de migrants

Dans un geste critiqué par les groupes de défense des droits de l’homme, la Cour constitutionnelle espagnole a confirmé la majeure partie de la loi sécuritaire de 2015 du pays qui permet les expulsions expresses de migrants qui tentent de passer du Maroc aux territoires espagnols de Ceuta et Melilla sur le continent africain. L’annonce a été faite jeudi 19 novembre.

Les deux enclaves représentent la seule frontière terrestre de l’UE avec l’Afrique. Chaque année, comme le rapporte l’Agence France Presse (AFP), « des milliers de migrants, principalement originaires d’Afrique subsaharienne, tentent d’escalader les clôtures pour passer en Espagne. »

Frontières terrestres avec l’Afrique

En fait, selon les derniers chiffres de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), mis à jour le 15 novembre 2020, un total de 1 441 migrants ont traversé l’Espagne par voie terrestre cette année. C’est comparé à 6 345 sur l’ensemble de l’année 2019, et à des chiffres similaires chaque année depuis 2016. En 2015, cependant, un total de 11 624 migrants sont parvenus en Espagne par les frontières terrestres.

En 2020, au 15 novembre, un total de 1 300 arrivées de migrants a été enregistré à Melilla et 805 à Ceuta.

Poussées immédiates

En février 2020, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a soutenu la politique espagnole de poussées immédiates depuis ces territoires et a admis la possibilité que Ceuta et Melilla relèvent d’un « régime spécial. »

Les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, séparées de l'Espagne par le détroit de Gibraltar et la mer Méditerranée | Crédit : InfoMigrants
Les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, séparées de l’Espagne par le détroit de Gibraltar et la mer Méditerranée | Crédit : InfoMigrants

La CEDH a jugé que l’Espagne n’avait pas violé la Convention européenne des droits de l’homme lorsqu’elle a expulsé deux Africains subsahariens qui avaient sauté la barrière frontalière à Melilla en 2014. La décision est un renversement d’une décision précédente en 2017 qui avait ordonné à l’Espagne de payer 5 000 € à chacun des deux hommes « pour violation de leurs droits de l’homme », selon El Paìs English.

L’Espagne a fait appel de la décision de 2017 en disant que les hommes avaient violé les lois en traversant à un « endroit non autorisé et en profitant du grand nombre du groupe et en utilisant la force », a rapporté El Paìs. Ainsi, leur expulsion immédiate était « une conséquence de leur propre conduite », a-t-il conclu.

Politique migratoire

Le sujet des expulsions et de la politique migratoire a de nouveau été en haut de l’agenda du gouvernement espagnol récemment après que beaucoup plus de migrants ont commencé à arriver sur les îles Canaries au cours des derniers mois.

En fait, depuis le début de l’année, près de 17 000 migrants sont arrivés sur l’archipel espagnol de l’océan Atlantique et le gouvernement a annoncé qu’il commencerait à mettre en œuvre les politiques, comme les expulsions, le cas échéant, qu’il a mises en place depuis au moins 2015.

Le vendredi 20 novembre, le ministre espagnol de l’Intérieur Fernando Grande-Marlaska s’est rendu au Maroc pour rencontrer son homologue sur place Abdelouafi Laftit. Selon le journal arabe dont le siège est à Londres Asharq Al-Awsat’s, il s’agissait de la septième visite de Marlaska au Maroc depuis sa prise de fonction en juin 2018.

La question de la migration figurait en tête de l’ordre du jour entre les deux ministres de l’Intérieur.

Un nouvel accord entre l’Espagne et le Maroc ?

Asharq Al-Aswat rapporte que « plus de 15 000 immigrants marocains sont arrivés aux Canaries jusqu’à présent cette année », ce qui, selon eux, est « environ quatre fois plus que durant les deux dernières années combinées. »

Des migrants africains arrivent au port d'Arguineguin, à Gran Canaria, dans les îles Canaries, en Espagne, le 24 septembre 2020 | Photo : Angel Medina G / EPA
Les migrants africains arrivent au port d’Arguineguin, à Gran Canaria, dans les îles Canaries, en Espagne, le 24 septembre 2020 | Photo : Angel Medina G / EPA

Les forces de sécurité espagnoles et marocaines collaborent depuis plusieurs années dans les domaines de la prévention du crime et de la lutte contre le terrorisme. En février 2019, El Paìs a fait état de l’accord conclu par les deux pays en matière de migration. Selon les termes de l’accord, le garde-côte espagnol Salvamento Marìtimo serait autorisé à ramener certains migrants recueillis en mer « dans les ports marocains »

Cet accord était, selon El Paìs qui a cité trois sources gouvernementales espagnoles, censé s’appliquer aux missions de sauvetage où le Salvamento Marìtimo aidait les garde-côtes marocains. En 2019, l’Espagne a également joué un rôle important pour persuader l’UE de débloquer 140 millions d’euros pour le Maroc afin de l’aider à contrôler la migration, selon El Paìs.

Une partie de cet argent a été utilisée pour acheter deux nouveaux bateaux rapides pour les garde-côtes marocains afin d’améliorer leur bilan en matière de sauvetage.

Réunion en décembre

Selon le site Foreign Brief, qui dit fournir des analyses de risques géopolitiques, une partie de l’accord de 2018 entre l’Espagne et le Maroc comprenait également la mise en place de centres de traitement des migrants au Maroc. Foreign Brief indique que la réunion du ministre de l’Intérieur a pour but de préparer le terrain pour la visite du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez au Maroc en décembre, qui sera « la première réunion de ce type depuis 2015. »

#Le ministre espagnol de l’Intérieur Fernando Grande-Marlaska entame aujourd’hui sa visite officielle au #Maroc pour rencontrer son homologue, Abdelouafi Laftit. La migration, sur laquelle les pays travaillent étroitement, sera au centre des discussions d’aujourd’hui.https://t.co/le7nSXWBCI

– Foreign Brief (@ForeignBrief) 19 novembre 2020

Foreign Brief prédit que les ministres poseront « les bases d’un accord sur le modèle de celui de 2018. » Cela signifie essentiellement que Madrid demandera une baisse du nombre de migrants quittant le Maroc pour l’Espagne, et que le gouvernement de Rabat demandera un soutien financier plus important pour y parvenir.

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